30 août 2021

    Le malaise

    Dernièrement, j’ai eu plusieurs remarques de franchiseurs concernant le « mal nécessaire du franchisé ». En gros, ces dirigeants se plaignaient que leurs franchisés étaient irresponsables et qu’ils détruisaient les efforts du franchiseur à se développer en ne suivant pas les normes et en opérant leurs franchises avec laxisme.

    Bien que malheureux, ce type de commentaires est trop souvent la norme chez les franchiseurs et ce contexte d’affaires affecte nécessairement les performances tant chez les franchisés que chez les franchiseurs.

    Pourquoi en est-il ainsi ?

    Sans avoir LA réponse, j’aimerais proposer un chemin de réflexion et une piste de solution.

    La cause

    Depuis plus de 25 ans je suis un acteur et un observateur de la scène de la franchise et j’ai eu la chance d’œuvrer dans des organisations extraordinaires et de connaître des dirigeants chevronnés de la franchise. Selon moi, le « malaise franchisé » est essentiellement dû à l’absence d’engagement mutuel vis-à-vis le projet personnel du franchisé et le projet corporatif du franchiseur.

    C’est comme si 2 solitudes partageaient le même territoire.

    Je suis d’avis qu’il est de la responsabilité du franchiseur de bien connaître les motivations profondes du franchisé afin d’être en mesure d’ouvrir la porte qui mènera à l’engagement personnel des partenaires au projet de chacun, car l’un ne va pas sans l’autre.

    Le premier responsable : Le franchiseur

    Soyons clair, le franchiseur a l’opportunité de bâtir un réseau de partenaires-franchisés qui adhèrent aux mêmes valeurs et au même projet que le sien.. Cette adhésion commune permet de bâtir une marque forte.

    Alors qu’est-ce qui fait que cela ne fonctionne pas et que le « malaise franchisé » s’installe.

    Le franchiseur doit chercher la réponse dans sa cour et non dans celle des franchisés, la réponse s’articule autour des 5 chantiers prioritaires du franchiseur.

    Chantier 1.  Offrir une opportunité d’affaires qui peut être profitable dans un contexte d’affaires réaliste

    La finalité des entreprises est de dégager des profits satisfaisants. Hors trop souvent, cette opportunité s’avère peu fiable chez beaucoup de franchiseurs. Selon moi, l’optimisme débridé, le manque de professionnalisme dans la sélection du site, la mauvaise évaluation des coûts et la vitesse de croissance des revenus prévus pour une franchise forment les premiers ingrédients de la recette du « malaise du franchisé ».

    Lorsque ça démarre mal…la pente est raide !

    Chantier 2.  Choisir ses franchisés comme des partenaires et non des fournisseurs de capital pour prendre de l’expansion et générer des redevances

    Le choix d’un franchisé est un choix de partenaire qui doit être fait avec parcimonie. C’est la base du fondement de la relation d’affaires. Combien de fois comme dirigeant avons nous laisser entrer un candidat en prétextant lui donner une chance…ou mieux encore qu’une fois dans le système, il comprendra…

    « What goes around comes around » me disait un de mes anciens patrons. Il avait bien raison.

    3. Former des experts afin qu’ils puissent réaliser le plein potentiel de leur entreprise 

    Je dois avouer que personnellement, j’ai cheminé beaucoup sur la notion de formation. J’ai été de l’école qui prétendait qu’un franchisé devait apprendre le système et comment gérer sa franchise et que c’était suffisant….je dois avouer que je me suis trompé.

    En effet, former ses franchisés n’est pas assez, le franchiseur doit développer des experts et non seulement des opérateurs.

    Ces experts auront la capacité de développer le plein potentiel de leur entreprise et non seulement atteindre les standards. Avec la technologie de communication d’aujourd’hui, il n’y a plus de raison de ne pas créer un réseau d’experts chez les franchisés.

    Et que dire de la qualité des conseillers aux franchises. Souvent vu comme les yeux et les oreilles du franchiseur ou comme des inspecteurs, le rôle du conseiller aux franchises doit évoluer, et ce, de façon drastique. À quand les « business coaches professionnels certifiés» qui sauront assister les franchisés experts à devenir meilleurs, et ce, à chaque jour. Ces coachs pourront se coller sur les motivations profondes des franchisés et s’assurer qu’elles trouvent leurs places dans le projet de franchise. Nous sommes loin ici du rôle de technicien que l’on confère trop souvent aux conseillers aux franchises.

    Innover, c’est aussi développer le potentiel humain de chacun des membres de l’équipe.

    4. Régler rapidement les situations problématiques comme un partenaire et non comme un juge

    Cessez de transmettre des mises en demeure et des avis de défaut, et commencez à vraiment gérer vos différends ! jeanhgagnon

    Cet article de Me Gagnon qui traite des solutions alternatives pour régler des différends met en lumière l’importance de prendre ses responsabilités lorsque survient un problème. Selon moi, c’est au franchiseur d’être pro actif lorsqu’il voit se profiler un problème. Car à moins d’une urgence, un problème n’arrive pas par hasard.

    Encore ici, une démarche ouverte et aidante saura probablement résoudre rapidement la situation qui cause le problème. Offrir des alternatives et un peu de support au franchisé qui vit le problème peut s’avérer pas mal plus utile que de laisser aller la situation et se servir du contrat de franchise pour régler le tout. Votre avocat n’est pas toujours le meilleur conseillé. Ce n’est pas lui qui dirige votre réseau de partenaires – franchisés.

    N’oublions jamais que les conflits sont toujours connus des autres franchisés du réseau et que cela affecte grandement la confiance que les franchisés ont auprès de la direction. De plus, les conflits font ressurgir le « malaise franchisé » de façon importante. Sans compter l’énergie négative que cela crée au sein de l’équipe du franchiseur.

    5. Croître

    La croissance est l’enjeu numéro 1 des réseaux de franchise, comme de toute les entreprises. La croissance rapide est un des avantages stratégiques important que procure le franchisage. Toutefois, la croissance sans engagement profond des franchisés c’est un peu comme gonfler un ballon troué, il faut souffler fort pour avoir des résultats peu convaincants et très éphémères.

    J’aimerais proposer le concept de la croissance rentable au lieu de croissance très rapide. Et si la peur de perdre votre avantage concurrentiel motive cette croissance très rapide…il y a lieu de se poser des questions sur la qualité de votre concept.

    En franchise, bâtir sa marque prend du temps, et prendre la stratégie de « la croissance à tout prix puis après, on verra » cause beaucoup plus de dommages que de bienfaits. En plus, le « malaise franchisé » devient une maladie chronique envahissante.

    Une piste de solution

    Alors comment éviter le « malaise franchisé »? 

    La piste la plus prometteuse est la mobilisation constante de chacun des membres du réseau au projet d’entreprise.

    La mobilisation est la résultante d’un effort important qui allie le leadership, la communication, l’innovation et le travail d’équipe.

    Comment mobiliser les franchisés me demanderez-vous ?

    L’enjeu ici est de constamment travailler avec ses franchisés à devenir meilleur. C’est un peu comme si tous les membres de l’organisation s’épaulaient afin de relever le défi suivant :

    « Ensemble, à chaque jour, nous devenons meilleurs »

    La recette est propre à chaque réseau mais en gros, le franchiseur et les franchisés s’organisent pour créer les conditions de réussite, régler les irritants (une fois pour toute)  et structurer leur démarche avec un plan de livrables mutuel.

    Toutefois, cette piste n’est pas parfaite, malheureusement, les motivations profondes de tous peuvent ne pas être réconciliés avec celle du franchiseur. D’après Monsieur Yvan Marcel Boily (Profilesoft) au moins 30% des individus ne peuvent s’adapter aux changements. Il y a fort à parier que vous rencontrerez de fortes résistances dans vos démarches de mobilisation. Avec la persévérance, vous réussirez à en conserver la moitié. Quant à l’autre, vous aurez la responsabilité de les diriger vers d’autres alternatives pour qu’ils puissent réaliser leurs motivations profondes. C’est aussi cela faire preuve de leadership.

    En conclusion

    Le « malaise franchisé » est généré en grande partie par le franchiseur. Bien sûr le franchisé a lui aussi sa part de responsabilité toutefois, le franchiseur est celui qui plus souvent qu’autrement initie le « malaise franchisé » par ses manquements à ses obligations.

    Toute l’équipe est impliquée ne l’oublions jamais !

     

    Stéphane Breault
    Président Imagine franchise consultant inc.

    sbreault@imaginefranchise.com

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