L’une des tendances dominantes dans le monde de la franchise est la formation de franchiseurs multi-marques dans un segment de marché. Ce concept, popularisé par des géants comme le Groupe Recipe, MTY et Foodstatic dans le secteur de la restauration au Canada, ainsi que par le groupe américain Neighbourly dans l’industrie des services à domicile, offre des avantages évidents tels que la réduction des coûts de gestion des réseaux et l’augmentation de la part de marché.
Cependant, je peux affirmer sans aucun doute que, pour la plupart des franchiseurs, cette approche comporte 7 risques majeurs pour leur activité.
Dilution de la marque : L’un des risques les plus importants est la dilution de la marque. Si le franchiseur ne parvient pas à maintenir une identité de marque forte et cohérente pour chaque marque, cela peut entraîner une confusion pour les clients et une perte de reconnaissance de la marque. Les marques peuvent alors devenir moins distinctes sur le marché, ce qui peut nuire à leur attrait et à leur compétitivité.
Difficultés opérationnelles : Gérer plusieurs marques signifie également gérer plusieurs systèmes opérationnels et processus internes. Cela peut entraîner une complexité accrue et des difficultés à maintenir des normes de qualité uniformes dans toutes les marques. Les défis opérationnels peuvent se traduire par des problèmes de gestion des ressources, des approvisionnements, des systèmes d’information, etc.
Gestion des ressources limitées : La gestion de plusieurs marques peut entraîner une concurrence pour les ressources internes telles que le personnel, le financement et les efforts de marketing. Le franchiseur devra équilibrer les investissements et l’attention entre les différentes marques, ce qui peut entraîner des conflits d’intérêts et des priorités contradictoires.
Résistance des franchisés : Les franchisés peuvent se sentir délaissés ou moins prioritaires si le franchiseur se concentre sur le développement de nouvelles marques au détriment de la croissance de leurs activités existantes. Cela peut entraîner une résistance des franchisés et une baisse de leur engagement, ce qui peut nuire à la performance globale du réseau.
Cohérence des opérations et des standards : Maintenir des normes cohérentes de qualité et de service à travers différentes marques peut être un défi. Si certaines marques sont mieux gérées que d’autres, cela peut entraîner des inégalités de performance et de satisfaction des clients, ce qui peut affecter la réputation globale du franchiseur.
Complexité juridique : La gestion de plusieurs marques peut entraîner une complexité juridique accrue, en particulier en ce qui concerne les accords de franchise, les droits de propriété intellectuelle et les questions de conformité réglementaire. Le franchiseur devra s’assurer de respecter toutes les exigences légales et de protection des marques pour chaque marque individuelle.
Manque de focus : Le fait de se concentrer sur le développement de multiples marques peut entraîner un manque de focus stratégique pour le franchiseur. Cela peut rendre difficile la définition d’une vision claire et la poursuite d’objectifs stratégiques spécifiques pour chaque marque.
Trois raisons majeures pour lesquelles je pense que c’est une fausse bonne idée : La création de valeur passe par la reconnaissance de la marque autant que par le rendement financier: La gestion de plusieurs marques peut rapidement devenir un défi pour une organisation qui ne possède pas le savoir-faire profond nécessaire pour chaque marque. Le succès d’une marque repose sur une équipe dédiée qui travaille patiemment pour développer son avantage stratégique.
L’esprit de corps et la loyauté absolue sont essentiels à la pérennité d’un réseau: Malheureusement, la plupart des franchiseurs sous-optimisent le potentiel de leur marque, que ce soit par une pénétration de marché incomplète, une culture opérationnelle déficiente, un manque de mentalité de croissance, une rentabilité insuffisante des franchisés, ou encore un leadership mal adapté au contexte du réseau. Dans ce contexte, se lancer dans l’acquisition d’une autre marque pour réaliser de la croissance est tout simplement courir à sa perte à long terme.
Et l’acquisition d’un autre réseau?
Acquérir un autre réseau nécessite une équipe de “classe mondiale” (voir blogue: lien) avec une compétence en franchisage exceptionnelle. La culture du réseau acquis sera différente, et les franchisés résisteront aux changements de manière plus agressive par insécurité et manque de confiance envers l’acquéreur. Faire du neuf avec du vieux nécessite plus de ressources, de patience et de doigté.
Alors, comment devenir un “Megazor” à succès ?
Voici trois critères prévalents à mon sens :
Une situation financière extrêmement solide : qui ne nécessite pas l’apport de nouveaux droits d’entrée pour créer de la profitabilité. Soyez “Royalty sufficient”, c’est-à-dire que vous êtes profitable uniquement avec les revenus récurrents générés par le réseau. Assurez-vous que le niveau de profitabilité est élevé pour faire face aux défis liés au développement ou à l’acquisition d’une autre marque.
Développez une compétence en franchisage de “classe mondiale”: Une équipe ultra-compétente crée un réseau de franchisés satisfaits et engagés, sans problèmes majeurs. N’oubliez pas que la franchise n’est pas comme les mathématiques, deux faibles ne font pas un fort. Une équipe compétente est essentielle pour réussir.
75% des franchisés dans la marque d’origine génèrent un ROI de +15%: Ces franchisés peuvent devenir un pool potentiel important pour la nouvelle marque à développer, ce qui peut lancer la marque sur le marché avec élan.
“Riches are in the niches but the fortune is in the follow up” Pat Flynn
Alors que certains franchiseurs rêvent de devenir des “Megazors”, pour 90% d’entre eux, la meilleure option est d’exploiter leur marque au maximum, de rester pertinents en se réinventant régulièrement et d’exercer un leadership d’exception. Peut-être qu’un jour un “Megazor” voudra les acquérir, et ce jour-là, la valorisation de leur marque sera basée sur les critères des franchiseurs de “classe mondiale”.
(1) Je base cet indicateur sur les réseaux à succès avec qui j’ai travaillé. 75% n’est pas LE chiffre ultime mais une excellente indication de la solidité du réseau. Donc non ce n’est pas scientifique.